Les axes du séminaire, qui propose une approche érudite de l'histoire de la cartographie et de ses tendances actuelles, recouvrent de façon toujours plus étroite ceux de l'atelier, qui accueille les étudiants et les chercheurs désireux de faire eux-mêmes leurs cartes.
En effet, la réalisation d'une carte entre pleinement dans l'ensemble des activités propres à l'écriture, et la séparation entre pratiques intellectuelles, ou «manuelles», entre méthodes et processus automatiques s'avère inopérante si l'on raisonne en termes d'outillage mental (ou de technologie de l'intellect si l'on veut reprendre les termes de Jack Goody).
C'est aussi le témoignage qu'en ont donnés les intervenants: lors de la conférence introductive, Éric Guichard (ENS) a insisté sur la relation étroite entre outils informatiques et conceptuels, sur l'interaction entre texte et image (les images vectorielles ne sont que du texte, que l'on manipule pour faire des cartes), et sur l'interaction entre méthode et grammaire visuelle --la première attachée aux processus d'écriture (listes, comptages, tris, etc.), la seconde garantissant leur lecture.
Peter Tainz (université de Trier) a montré en quoi ces manières d'écrire et de lire s'ancraient dans des cultures spécifiques, en comparant les pratiques françaises et allemandes. Lors d'une seconde conférence, il a posé les jalons d'une cartographie cognitive, qui vise à distinguer les tâches, activités et contextes des auteurs et lecteurs, de façon à produire une graphique optimale. Hervé Théry et Sébastien Velut (ENS) ont montré en quoi la chorématique renforce et structure la compréhension de l'espace géographique cartographié. Là encore, les effets intellectuels d'une telle écriture sont considérables. Romain Garcier (ENS) a montré en quoi la cartographie des épidémies requérait la construction de modèles qui donnaient un statut très théorique aux objets qu'ils produisaient (comme la notion de corridor de propagation d'une maladie), qui ne se satisfaisaient pas des outils d'écriture comme les SIG (systèmes d'information géographiques), aussi simplistes qu'ils sont populaires.
Restait à approfondir la façon dont la carte donne à lire, non pas le monde qu'elle décrit, mais notre monde réel, avec ses représentations, ses invariants culturels, etc. Ce qu'a fait Henri Desbois (Paris-X Nanterre) en s'interrogeant sur la cybercartographie, plus désirée qu'existante (le cyberespace est-il un territoire?) et sur les représentations dont elle se nourissait (cinéma, images de Tokyo, etc.). Christian Jacob (CNRS) a montré comment, à la Renaissance, la cartographie de la lune obéissait à une mise en miroir de la terre, elle-même imaginée tant qu'elle n'était pas vue d'un point extérieur, et comment ce théâtre du monde pouvait être lu, certes avec de nouveaux objets techniques comme le téléscope, mais aussi nommé en fonction de préférences culturelles ou politiques. A l'occasion d'une seconde séance, ce chercheur montrait comment la construction et la diffusion de cartes de la planète Mars ont permis de projeter sur Mars l'imaginaire de la civilisation égyptienne (société hiérarchisée construite autour d'un système d'irrigation).
Cette relation entre carte et écriture, et la notion d'outillage mental associé seront approfondies en 2001-2002.
Publications
Principale publication de l'équipe Réseaux, Savoirs & Territoires (ENS): Comprendre les usages de l'Internet (Dir. É. Guichard), éd. Rue d'Ulm, mai 2001 (http://barthes.ens.fr/internet01).
Cartographie animée: Socialisation de l'internet en Europe et en Afrique entre 1992 et 2000.
Voir aussi les maîtrises et DEA de Yann Amghar, Béatrice de Gasquet, Pierre-Yves Lambert.
page modifiée le 19 septembre 2001