Le statut des exemples dans le Dictionnaire académique : transitions du XVIIIe au XIXe siècle

Jacques-Philippe Saint-Gérand

Université Blaise Pascal
Clermont-Ferrand II

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En attendant le Dictionnaire de l'Académie, il faut se contenter du mieux relatif, et le mieux relatif est le Dictionnaire de M. Boiste, ouvrage immense, qui mérite toute notre reconaissance et tous nos éloges. C'est là seulement que se trouvent réunis avec de bonnes définitions et de bonnes autorités, tous les éléments de la langue dans toutes leurs acceptions. M. Boiste ne s'est pas borné, comme l'Académie, à la langue sociale; son plan, infiniment plus vaste, embrasse toutes les langues spéciales, toutes les nomenclatures savantes. Il est allé plus loin; il y a rattaché les synonymes, etc. [voyez le titre]. Les deux volumes de M. Boiste sont donc l'encyclopédie de la langue et un des ouvrages les plus utiles qu'on ait jamais publiés en français. Ils peuvent même tenir lieu de bibliothèque entière aux gens du monde et aux gens de lettres dont l'érudition ne se compose que de mots... (Extrait du Journal des Débats, 10 avril 1819, sur la cinquième édition du Dictionnaire de Boiste. Article de Charles Nodier.)

Les lignes suivantes voudraient proposer une hypothèse concernant l'évolution de la lexicographie française de la première moitié du XIXe siècle, à partir et autour des cinquième et sixième éditions du dictionnaire académique. La citation donnée en préliminaire montre assez la liaison étroite qui s'est inscrite dans l'esprit des lecteurs de la première moitié du XIXe siècle entre l'oeuvre lexicographique de P.C.V. Boiste et de certains de ses confrères et celle de l'Académie française. Une manière de filiation spirituelle qui s'avère finalement être le prétexte à une exemplaire méprise. Le premier a publié en 1800 la première édition d'un Dictionnaire Universel de la Langue française, qui, au-delà même de la vie de son auteur, mort en 1824, connaîtra – grâce entre autres à Charles Nodier et Louis Barré – une carrière d'une longévité exceptionnelle: 14 éditions jusqu'en 1857. Ses collègues et ses concurrents, au cours de la première moitié du XIXe siècle, pour leur part, produiront près de cinquante dictionnaires de langue différents, publiés en d'innombrables éditions. La seconde, dans la même période, produit les cinquième et sixième éditions de son Dictionnaire, respectivement en 1798 et 1835, lesquelles sont accompagnées de nombreux tirages intermédiaires, et escortées de Supplément – comme en 1829 – ou de Complément – comme en 1842 – qui ajoutent à la nomenclature des éditions officielles le surplus des termes de spécialité évincés par ce que l'Académie nomme elle-même la "tâche pénible" d'épurer et de compléter les recueils antérieurs de sa digne Compagnie. Les références à Boiste et à ses comparses, dans les lignes suivantes, se justifient par cette relation plus ou moins explicite des deux ambitions et du dessein lexicographiques. Le statut et la place des définitions et des exemples dans le dictionnaire académique et ses prolongements, comparés aux ouvrages contemporains de même nature, sera ici un bon révélateur de la difficulté de faire oeuvre cohérente de lexicographie dans cette première moitié du XIXe siècle.

Une des apories incessamment reconnues de la lexicographie, liée de manière inhérente au traitement de l'exemple dans les dictionnaires de langue, réside en effet dans la relation incertaine de l'exemple de langue illustratif à la citation littéraire alléguée en témoin, et à la lecture qu'en peuvent faire – à distance historique – les utilisateurs du dictionnaire. L'abondant article Dictionnaire de l'Encyclopédie, que rédigea d'Alembert, malgré la diversité et la finesses de ses analyses, ne consacre pas une ligne au statut de l'exemple ou de la citation lexicographique; mais il souligne la nécessité de "fixer la langue dans un dictionnaire". Gattel, en 1827, reconnaît avec un brin de perversité citer les grands écrivains pour dénoncer en eux les fautes de langue qu'ils peuvent avoir commises. La citation d'auteur devient chez lui un contre-exemple, ou – plus exactement – un exemple à ne pas suivre, un modèle dont se défier:

Mais la question qui se pose est de savoir alors comment définir la notion de faute; sur l'exemple de Féraud, Pierre Larthomas a clairement établi naguère [1] que le sentiment linguistique de Voltaire était souvent en totale contradiction avec une juste appréhension – par exemple – des spécificités d'un archaïsme ou des qualités d'un niveau de langue. Noël et Chapsal, en 1826, revendiquaient pour leur part d'avoir "mis à contribution ces auteurs du siècle de Louis XIV, dont le nom seul est un éloge, comme capables de nous fournir la plus riche moisson d'idiotismes; et quant au denier siècle, ceux qui ont suppléé à leur défaut, et dont nous avons fait le plus grand usage, sont leurs plus dignes héritiers, c'est-à-dire, Massillon, Vertot, d'Aguesseau, Montesquieu, Buffon, Barthélémy, et quelquefois Voltaire et J. J. Rousseau" [p. vij]. Bescherelle, en 1843, prônait délibérément le recours aux exemples attestés par un nom d'écrivain: "Nous avons donc prodigué les citations, car la toute-puissance des bonnes citations tirées de nos bons livres est trop généralement reconnue aujourd'hui, pour qu'un ouvrage du genre de notre dictionnaire puisse s'en passer"; mais il conclut sa justification en revenant paradoxalement à la notion d'exemple: "Un Dictionnaire sans exemple, a dit Voltaire, est un squelette; et Voltaire avait raison" [p. ii], et en créant par là une ambiguïté dont s'est longtemps nourrie la discussion métalexicographique française de la première moitié du XIXe siècle. La situation de complexité et de confusion relative à la vertu de l'exemple [2] n'a donc peut-être jamais été plus problématique qu'entre les années 1795-1860; c'est ce que les réflexions suivantes voudraient marquer.

Bernard Quemada a jadis bien montré l'importance de la distinction des deux genres en opposant sous la rubrique des exemples des ensembles phraséologiques "composés à plaisir par les Lexicographes", et divers énoncés attestés "puisés dans les Auteurs", comme disait encore l'abbé Féraud [3] dans les premières années du XIXe siècle. Pour mieux comprendre la situation de départ, on aura également garde de ne pas oublier l'article XXVI des statuts originels de l'Académie, largement cité par tous les participants de ce colloque, lequel précise que cette institution et ses produits ont pour mission de "donner des règles certaines à notre langue" en définissant l'espace notionnel et culturel recouvert par les vocables français. Une notion nationale alors en voie de constitution, comme le marqueront successivement au XIXe siècle d'abord Bescherelle, puis Auguste Longnon.

Si l'on pose l'exemple comme étant un élément verbal – énoncé, phrase, éléments de phrases ou syntagme librement formé – rédigé par les lexicographes à partir de la définition posée en entrée pour illustrer un fonctionnement et une valeur, toute incorporation d'un énoncé de ce type dans un article de dictionnaire relève – pour ainsi dire – de deux énonciations concomitantes. L'exemple ne vaut pas uniquement pour ce qu'il veut désigner, comme si la langue possédait une capacité immanente d'expression directe du réel; il vaut aussi pour ce qu'il dit précisément des lois du lexique, de l'orthographe et de la syntaxe, et, à ce titre, l'exemple manifeste l'involution de la langue d'où naîtra l'idée moderne d'un métalangage. On peut donc accepter l'idée que l'exemple illustre généralement dans les dictionnaires une valeur culturelle – une pensée et une pratique sociale de la langue – dépendant d'une situation historique – un usage de la langue en un moment daté de son évolution – ainsi qu'une saisie métalinguistique de cette dépendance.

De là résulte probablement que l'exemple – dans son choix – manifeste simultanément la liberté créatrice du lexicographe, son asservissement corrélatif aux lois sociales de la représentativité signifiante, et la virtualité d'une réinterprétation historicisée de l'ensemble par le lecteur cherchant à comprendre les principes constitutifs du sens enregistré par le dictionnaire. A cet égard, les métalexicographes contemporains distinguent nettement entre, d'une part, les exemples à valeur linguistique, qui précisent la contextualisation et les conditions phraséologiques d'emploi d'un vocable, et, d'autre part, les exemples à valeur extra-linguistique qui enrichissent et complètent la définition au moyen d'informations culturelles et historiques variables.

Dans les considérations qui vont suivre, je voudrais montrer en quoi le statut des exemples choisi par les Académiciens est non seulement exemplaire d'une certaine conception du langage et de la langue, mais aussi représentatif d'un débat qui a traversé toute la nouvelle lexicographie française de la première moitié du XIXe siècle: à savoir la controverse de la représentativité linguistique des documents et du matériel de la langue, d'où – à travers Paulin Paris, Francisque Michel, Gustave Fallot et bien d'autres encore – sont simultanément nées une discipline aussi austère que la philologie historique, et une réflexion sur le langage aussi aventurée que la linguistique. On pourrait penser a priori que la constitution d'un lexique est très étrangère à cette question, surtout lorsque les lexicographes se donnent la liberté de fabriquer eux-mêmes leurs exemples. Mais l'étude des circonstances dans lesquelles sont effectués les choix théoriques et méthodologiques gouvernant la rédaction d'un dictionnaire montre que l'adoption de telle ou telle option de travail est au contraire fort étroitement liée à un état de la réflexion sur le langage, qui excède la simple difficulté matérielle de composer un ouvrage cohérent. En particulier, pour ce qui nous concerne ici, il me semble que la répartition des intérêts différents de la philologie et de la linguistique, telle qu'elle s'effectue en France peu après la révolution de 1830, est grosse de conséquences en ce qui concerne les principes de la lexicographie. Et, sur ce point, le témoignage des dictionnaires académiques est irremplaçable.

Pour mieux aborder la pratique des Académiciens dans les éditions en sous main de 1798 et officielle de 1835, je voudrais rappeler ici un texte considérable de Charles Nodier, qui fut donc l'éditeur – en 1834 – de la huitième édition, "revue, corrigée et considérablement augmentée" du Dictionnaire Universel de la Langue française de P.C.V. Boiste, dont je notais plus haut en quelle grande estime il tenait la Commission du Dictionnaire de l'Académie française. Dans la Préface de sa réédition, Nodier définissait, analysait et commentait le travail des exemples auquel s'étaient livrés les rédacteurs des différentes éditions du Dictionnaire de l'Académie:

Nodier s'appuyait de fait ici sur les idées que Boiste avait énoncées dans l'Avis sur la cinquième Édition de son ouvrage: un texte qui mettait au premier plan de ses préoccupations un intérêt et un motif éthiques, faisant de la lexicographie, au même titre que la grammaire et la rhétorique, des instruments techniques au service d'une propédeutique du citoyen responsable: Dans la transition du XVIIIe au XIXe siècle, cette conception de la fonction didactique du texte témoin, en grammaire comme en lexicographie, est amenée à jouer un rôle de plus en plus important, et à orienter de plus en plus nettement la conversion de l'exemple – au sens des exempla de la culture classique – en citation. Dès la première édition de sa célèbre Grammaire des Grammaires, en 1811, Girault-Duvivier écrivait sans sourciller: Ce que B. Quemada affirmait déjà, en 1983, de l'entreprise lexicographique de l'Académie pour le XVIIIe siècle, à savoir donner un répertoire "représentatif du fonds stable de la langue" [5], se marque donc là aussi dans un autre ordre de préoccupation. Le dictionnaire concourt à la solidarisation et à la consolidation, à la stabilisation de la société. Nous sommes là dans une période de l'histoire de la conscience – ou du sentiment, comme dirait Jean-Pierre Seguin – linguistique français dans laquelle, en dépit des efforts ou des prétentions des grammairiens logiciens, l'intérêt d'une étude de la langue reste fermement attaché à un dessein didactique et éthique. Un des concurrents, et cependant l'un des démarqueurs du dictionnaire académique, Verger, n'hésite d'ailleurs pas à écrire son conformisme moral et son intention édifiante dans la Préface du Dictionnaire Universel [...] rédigé d'après le Dictionnaire de l'Académie, qu'il publie en 1826: Mais cette grandeur didactique et moralisante, qui fait aussi du dictionnaire une véritable propédeutique à l'expérience sociale du monde, a aussi – dans le cas des dictionnaires académiques – son revers qui est une bien lourde servitude. Contrairement aux grammaires et notamment à celle de Girault-Duvivier, le dictionnaire académique refuse donc de citer nommément les autorités sur lesquelles il s'appuie; ou, plus exactement, l'exemple qu'il donne ne cite que lui-même ou l'institution dont il émane, et travaille constamment dans un rapport de tension avec un modèle littéraire bien souvent sous-jacent, et une représentation idéale du corps social des lecteurs.

Dans l'édition de 1835 du dictionnaire académique, par exemple, qui présente presque 36% de termes supplémentaires par rapport à la précédente, le substantif Ordre est l'objet d'une description assez significative du processus. Jean-Pierre Seguin a naguère montré en quoi la définition de ce terme, dans l'édition de 1798, pouvait être interprétée comme le signe d'un apolitisme de circonstance et du respect de l'organisation sociale [6]. Le texte de la sixième édition renchérit sur ce conservatisme idéologique et développe tout particulièrement les sous-rubriques exposant les principes hiérarchisant toute collectivité: société, armée, ou toute entité perçue comme un organisme: religion, justice, architecture. Dans ce cadre, la plupart des exemples donnés par les Académiciens s'inscrivent dans une relation de démarquage par rapport à quelques grands textes de la littérature française: "le bon ordre règne dans tout le royaume" fait allusion à la Rome sauvée de Voltaire [1752]; "je ne vous demande rien qui ne soit dans l'ordre" rappelle Le Philosophe sans le sçavoir de Sedaine [1766]; "Vous serez ruiné, si vous n'y mettez ordre" constitue enfin une réminiscence à peine déguisée de la Manon Lescaut de l'Abbé Prévost. Nous aurons bientôt, notamment grâce aux technologies informatiques et aux travaux de T. R. Wooldridge, tous les moyens de décrire les composantes et la nature de cette tension, de comparer entre elles et entre eux définitions et exemples, de débusquer les démarquages, les réminiscences, les permanences citationnelles. Je ne m'arrêterai donc pas précisément sur cet aspect technique, qui – sur l'ensemble d'une oeuvre telle que le dictionnaire académique – requiert la constitution d'équipes de chercheurs fortement structurées et richement dotées.

Je m'en tiendrai à l'observation et à la signification du maintien de ce refus de la citation d'auteur. En renouvelant son allégeance à cette contrainte, l'Académie s'est donc interdit le recours à une auctoritas externe pour mieux asseoir en son sein le pouvoir de rassembler et de refléter, mais aussi de diffracter à travers le prisme de ses options méthodologiques, l'essentiel du vocabulaire français. Ce faisant, non seulement elle se prive – contrairement à Féraud et à d'autres lexicographes – d'une représentation historique des richesses littéraires de la France, mais elle se censure aussi d'une puissance d'explication diachronique des variations du vocabulaire français, qui contraint son action à coller le plus étroitement possible à une actualité supposée de la langue. Un dictionnaire sans citation érige tout exemple – malgré qu'il en ait – en témoignage d'une stabilité et d'une permanence qui rendent le signe incapable d'évolution et d'adaptation en figeant sa relation à un référent historicisé délibérément confondu avec le concept auquel il renvoie médiatement. Évinçant la variabilité du sens, le dictionnaire sans citation – mais avec exemple – donne en revanche l'illusion de saisir fermement et de retenir l'actualité de la langue.

Or cette dernière ne cesse naturellement de se dérober: les éditions de 1718, 1740, 1762 et 1798 témoignent, chacune à leur manière, de cette poursuite effrénée d'un inaccessible idéal de contemporanéité. L'évolution du savoir, des arts, de la culture, les bouleversements politiques et idéologiques ne trouvent à se refléter dans les colonnes des dictionnaires que sous l'aspect de définitions soutenues ou illustrées par des exemples forgés ad hoc en qui – hors texte quoique dans un fragment minimal de discours – voudrait se concentrer l'autorité d'une représentation du monde stabilisée et pourtant incessamment lancée à la poursuite des modifications culturelles qui travaillent le corps social. L'analyse que présente le Discours Préliminaire de la cinquième édition est parfaitement explicite sur ce point. La question de la définition d'un bon dictionnaire s'y trouve replacée dans une triple perspective: dogmatique, didactique, et ontologique, qui aboutit à dégager la supériorité prolongée et l'essentielle justification de l'exemple anonyme sur la citation trop personnalisée.

La relation du dictionnaire académique à la langue y est tout d'abord définie de manière manichéenne et dogmatique en raison de la liaison qui associe cette dernière à la raison ou au bon sens d'un peuple:

L'argument dogmatique est alors relayé par une considération didactique, qui tient à l'observation de ce rôle formateur qu'assume la langue et que les ouvrages de grammaire et les dictionnaires doivent informer dans le détail par le biais des règles de normalisation qu'ils sont amenés à édicter: Face à la prolifération des usages, et à l'arbitraire des emplois individuels, même cautionnés par les grands noms de la littérature, c'est donc cette consubstantielle solidarisation du moyen langagier à une fin didactique et éthique qui légitime la valeur exemplaire accordée au travail des Académiciens, et qui justifie l'argument d'autorité sans auteurs précédemment évoquée: D'une telle considération, et compte tenu de cette inextricable "indétermination où chacun de nous laisse les mots en parlant, en écrivant", il est aisé de déduire une ontologie de la langue dans laquelle la diversité des usages justifie le pari de confier à une collectivité érudite la responsabilité de définir une norme et un état représentatif de cet objet: La justification du travail collectif amène ainsi au mieux à conférer, ou au pire à concéder, une sorte d'investiture morale et scientifique – représentative au nouveau sens politique du terme – à l'ensemble des Académiciens. Elle constitue aussi un plaidoyer en faveur de la reconnaissance du pouvoir illustratif et stabilisateur supérieur de l'exemple sur la citation. Il y a là une façon de retourner adroitement à l'essentiel de la langue et au général des catégories du jugement, qui transcende les particularités et les idiosyncrasies de ce qui – dans un usage – peut être imputé à la manière ou au style d'un auteur. On posera donc que l'exemple anonyme est l'objet le plus apte à représenter le fonctionnement de la langue. Et il supplante aisément en ce sens ce que Michel Foucault nommait des formations discursives par trop emplies de particularités.

Au regard de ce conditionnement du travail lexicographique, l'édition de 1835 du dictionnaire académique ne semble guère – en apparence – apporter de modifications. Villemain, titulaire depuis 1821 du dix-septième fauteuil de l'Académie, et qui rédige la Préface de la sixième édition de son dictionnaire, part encore d'une définition de l'ouvrage qui fait de ce dernier "le dépôt des formes durables et des variations de notre langue, pendant l'intervalle où elle a été le mieux parlée, et où elle a pris un empire presque universel en Europe". Il soutient également l'idée selon laquelle "une langue, c'est la forme apparente et visible de l'esprit d'un peuple; et lorsque trop d'idées étrangères à ce peuple entrent à la fois dans cette forme, elles la brisent et la décomposent; et à la place d'une physionomie nationale et caractérisée, vous avez quelque chose d'indécis et de cosmopolite" [p. ix-x]. Il cautionne enfin – et une nouvelle fois – la thèse selon laquelle mieux valait "revenir à l'usage et composer le Dictionnaire, non des auteurs, mais de la langue" [p. xiii]. Comme s'il existait quelque danger latent à ce que la manière ou le style des écrivains n'offusquât les principes réguliers de la langue.

Toutefois, si la question du statut même de l'exemple n'est pas formellement développée dans cet extrait, une première différence entre ces deux textes programmatiques liminaires se manifeste très vite aux yeux du lecteur moderne, et ce dans la graphie des textes. Alors que l'édition de 1798 recourt encore aux majuscules idéalisantes pour les termes de Langue, Peuple, Nation, et qu'elle fait toujours usage de graphies archaïsantes, l'édition de 1835 modernise vigoureusement l'orthographe, et rabaisse les notions idéalisées aux initiales minuscules de l'ordinaire.

On peut probablement saisir là une trace du passage de l'histoire. Mais cette modification est d'autant plus sensible dans la Préface de 1835 que l'abondance des références à ce sentiment héraclitéen d'un flux inéluctable de la temporalité et d'une labilité corrélative du matériel de la langue rend difficile de fixer la valeur des mots et de stabiliser leurs virtualités d'expansion sémantique. La modernité du XIXe siècle se manifeste d'abord sous les espèces de la reconnaissance des dimensions de l'histoire, et, si les lecteurs de ce siècle prennent conscience de leur actualité en tournant les pages des dictionnaires, une large fraction de ces lecteurs commence à réclamer d'autres preuves que celles d'une autorité anonyme.

Et Villemain de prendre alors ses distances avec la conception – dominante depuis l'origine du dictionnaire académique – d'une description de l'état présent – ou réputé tel – de la langue française, au profit d'une recherche de son évolution à travers les âges, qui s'inscrit parfaitement dans le dessein scientifique global de cette première moitié du XIXe siècle. Mais qui condamne virtuellement – à terme – l'exemple forgé et anonyme, puisque ce dernier ne peut lutter en tant que témoignage avec les citations d'auteurs du passé que les érudits vont alors exhumer des bibliothèques françaises et étrangères. L'édition du dictionnaire académique de 1835, si l'on y regarde bien, est strictement contemporaine des missions que Francisque Michel ou Xavier Marmier, sur ordre de Guizot ou de Salvandy, vont effectuer en Grande-Bretagne ou en Allemagne et dans les pays du Nord, à la recherche des monuments littéraires d'une histoire de la nation disséminés aux quatre coins des bibliothèques européennes [7].

De cette situation historique et épistémique procède le double constat du caractère licite de la répudiation des citations d'auteurs dans les premiers âges de l'entreprise académique, et de l'insuffisance ou de l'insatisfaction progressive qui résulte de ce choix au fur et à mesure que l'on se rapproche d'une société contemporaine faisant de l'histoire le maître mot de sa culture et le modèle dominant de sa conception du savoir.

Préfacier d'une édition qui, à l'instar des précédentes, se refuse à l'exemple authentifié par un auteur, et qui ne souhaite pas refaire le Dictionnaire des richesses de la langue française et des néologismes [...] qu'un P. A. d'Alletz avait publié en 1770, Villemain sort adroitement de sa contradiction apparente en alléguant la confusion dans laquelle ces citations d'un usage personnalisé pourraient jeter le lecteur:

Si l'histoire de la langue – au moment même de sa constitution en termes de discipline scientifique [8] – est ici évoquée, ce n'est que pour mieux justifier une technique lexicographique qui l'exclut au nom de la généralité et de l'universalité, et pour suggérer plus vivement in fine – et par contraste – une modification de cette attitude prescriptive et proscriptive qui prenne enfin en compte l'origine et les variations du lexique français, tout en relativisant définitivement l'impact de la littérature sur la langue. Une technique dictionnairique qui oriente par conséquent un peu plus vers la linguistique – au sens moderne du terme qu'un Nodier [9] attestait par exemple en 1833 – et peut-être un peu moins vers la philologie. Et Villemain, à une époque pourtant caractérisée par Paul Bénichou comme celle du Sacre de l'Écrivain, d'ajouter: Bescherelle aîné, comme on l'a vu, mais surtout Poitevin, Dochez et Littré réaliseront ultérieurement cette ambition de porter – par l'intermédiaire des citations d'auteurs – l'histoire de la langue française dans les colonnes des dictionnaires. A cette époque, le dictionnaire académique officiel s'y est pourtant toujours refusé. On pourrait considérer qu'il y eut ici une occasion manquée de rendez-vous entre la langue comme entité stabilisée et la langue comme formes en constante variation. Mais peut-être les choses sont-elles plus complexes que ce que leur schématisation donne superficiellement à voir et à penser.

Je voudrais en effet attirer ici l'attention sur un fait. C'est que, dès l'époque où Nodier fut Directeur à l'Académie, en 1834, précisément l'année de publication des Notions élémentaires de Linguistique, fut discutée et mise sur le chantier l'idée d'un dictionnaire historique et littéraire de la langue française [10], dont les quatre premières livraisons – malheureusement restreintes à la lettre A de l'alphabet et non poursuivies – devaient finalement être effectives à partir de 1865, chez Didot. Or, en cette même époque qui entoure la publication de la sixième édition du dictionnaire de l'Académie, un an même jour pour jour, après la décision de "la composition d'un grand dictionnaire historique et littéraire de la langue française" [11], Charles Nodier, pourtant largement responsable de ce nouveau projet historique, dans son article du Temps en date du 18 décembre 1835, soutenait encore l'Académie dans la juste prohibition des citations d'auteurs et plaidait pour le maintien d'exemples anonymes:

Ce en quoi il était d'ailleurs immédiatement suivi par le critique du Journal des Débats, Saint-Marc Girardin, qui insistait sur la nécessaire distanciation historique rendant seule possible la capacité de légiférer et de normaliser la langue, notamment sous les aspects de son lexique: Dans cet écart de deux à trois générations serait ainsi contenue la possibilité de recourir à des citations d'auteurs, mais alors l'exemple ne remplirait plus sa fonction d'illustration d'un usage actuel; ou, plus exactement, la tension stabilisatrice contreviendrait ici à la loi évolutive de contemporanéité aux emplois. On ne peut s'empêcher d'être ici déstabilisé par l'apparente incohérence de Nodier, académicien et lexicographe, qui défend d'un côté la tradition du dictionnaire sans citation et avec exemples forgés mettant l'accent sur les combinatoires de collocations, tandis que, d'un autre côté, le même Nodier, impulse une nouvelle recherche des académiciens en direction des témoignages de la littérature susceptibles de soutenir une autre forme d'explication des puissances du lexique: la dimension historique. Derrière l'incohérence – ou plutôt la crispation d'une réflexion – et la question de l'exemple, ou de la citation, se profile donc un débat plus profondément inscrit dans la conscience épistémologique des contemporains, celui de la constitution même d'une science historique fondée en véracité sur l'exposition et l'examen de documents.

Les débuts de la philologie française – à cette époque même – sont encombrés par les disputes et les débats des érudits désireux de s'arroger la respectabilité la plus officielle en débusquant chez leurs concurrents des fautes de méthode, voire des malversations documentaires. Un Génin critique violemment Guessard, lequel est aussi vivement critiqué par Fallot, qui lui-même censure vigoureusement Wey, lequel dénigre sans vergogne Paulin Paris; et, quelques années plus tard, un Julien Travers est définitivement proscrit de la corporation des linguistes érudits pour avoir manipulé les sources étymologiques du Vaux de Vire...

Il est aisé de gonfler les colonnes des dictionnaires concurrents de l'Académie en multipliant les vocables, les exemples, au besoin en alléguant des citations invérifiables ou inventées. On sait que Jules Vallès ne fut pas exempt de cette faiblesse dans la proximité de ses confrères affamés qu'il nommait les Bescherellisants, Poitevinards ou Boisteux [12].... Et, pour mieux faire ressortir les qualités du dictionnaire académique, Barré, dans la Préface du Complément de 1842, stigmatise d'ailleurs la pratique condamnable de deux concurrents. Au Sieur Raymond [1829], responsable au reste du Supplément du Dictionnaire de l'Académie, il reproche:

A Napoléon Landais [1834], immodeste auteur du Dictionnaire général grammatical des dictionnaires français, il fait grief d'avoir produit un ouvrage qui n'est que le résultat d'une machination mercantile fondée sur l'insatiable appétit de nominalisation caractérisant les activités épistémiques de la bourgeoisie: On voit bien ici que la réflexion historique revendiquée par Barré s'appuie sur une connaissance critique du langage qui s'approche des principes de la linguistique, et qui prohibe le recours trop aisé à des citations d'auteurs desserties de leur entourage contextuel. L'auxiliaire précieux de Nodier soutient que les lexicographes devraient être attentifs à ces contraintes situationnelles pour discriminer ce qui relève de la langue et ce qui procède des effets discursifs d'une pratique stylistique. Mais on peut aussi voir dans ce texte que, concernant le statut opposé des exemples et des citations, la conjoncture de contradictions internes qui entoure la date de publication de la sixième édition du dictionnaire académique est bien plus que le signe d'une crispation passéiste sur des valeurs de représentativité de l'usage déjà fortement érodées.

Les tensions contradictoires qui opposent les tenants de la citation authentifiée par un écrivain et ceux de l'exemple impersonnel montrent qu'il convient avant toute chose de définir alors autour de l'objet langue une véritable connaissance historique qui, partant de la recherche des documents originaux et des ressources connues de l'étymologie assure une transition vers ce que Michel Bréal nommera d'abord en 1879, puis en 1883, la sémantique [13]. La transition des années 1830-1840 voit ainsi se marquer une distinction de plus en plus nette entre deux conceptions de la lexicographie: une lexicographie visant à donner une image soi disant contemporaine de l'usage admissible, et une lexicographie soucieuse de rattacher l'état présent à une évolution dont les principales étapes peuvent être attestées par des fragments empruntés aux monuments de la culture littéraire. La première se donne pour objectif de décrire des conditions d'emploi; la seconde choisit d'enregistrer les formes d'usage attestées par des textes authentifiés, et de suggérer une plausibilité d'évolution. La place tenue et le rôle joué par le dictionnaire académique dans cette transformation des conceptions de la lexicographie, sont considérables.

Certes, en apparence, les Académiciens de 1835 restent toujours fidèles à leur principe originel de 1638: "Des phrases composées exprès pour rendre sensible toute la force d'un mot, et pour marquer de quelle manière il doit être employé, donnent une idée plus nette et plus précise de la juste étendue de sa signification, que des phrases tirées de nos bons auteurs qui n'ont pas eu ordinairement une pareille vue en écrivant". Mais la tentation de s'appuyer sur du matériel linguistique attesté a presque toujours hanté la conscience des lexicographes. Pougens, par exemple, dans le dernier quart du XVIIIe siècle, sans pouvoir parvenir à l'utiliser personnellement, avait déjà réalisé une compilation de citations littéraires de près de 300.000 items. Et Jean-Charles Thiébault de Laveaux [14], en 1802, dans le Discours préliminaire de sa propre édition du Dictionnaire de l'Académie, pour mieux asseoir sa conception de la nécessité du document probateur, au travers d'une série d'images violentes, condamnait sévèrement les Académiciens pour n'avoir pas su recourir à cette mine d'informations grammaticales et sémantiques que constitue l'exemple littéraire sous la forme de la citation d'auteur:

La condamnation est sévère; mais elle résulte d'une incompréhension radicale. Et, si l'on peut dire, de l'impossible rencontre de deux points de vue différents que les conditions mêmes de l'histoire – comme discipline scientifique en cours de constitution – ne font qu'opposer un peu plus. Tandis que l'Académie cherche à définir une cohérence interne et une clôture achronique du lexique français imputables à des choix idéologiques mettant au premier plan l'importance des critères culturels et politiques stabilisateurs, les partisans d'une historicisation de la lexicographie, s'appuyant sur les développements récents de la philologie et de la linguistique, réclament le témoignage de documents qui permettent de remonter à l'origine avant de redescendre ensuite la chaîne des altérations sémantiques du terme. Deux conceptions de la langue s'affrontent ainsi.

La première conception suppose une confiance dans la puissance de désignation et de définition du mot dont témoigne d'ailleurs la floraison significative des innombrables Vocabulaires de la Langue française, extraits de la sixième et dernière édition du dictionnaire de l'Académie, qui, de 1835 à 1855 vont encombrer les rayons de la librairie; ce sont là des ouvrages qui réduisent le volume du dictionnaire académique, mais qui – en termes d'information – conservent ce qui est nécessaire "dans les communications essentielles de la parole" et "dont on ne peut se passer pour écrire avec justesse" [15]. Les realia du monde extérieur et les conceptions de la pensée ou de l'imaginaire y sont toujours susceptibles d'être exprimées par un terme. Et l'exemple forgé y est le meilleur instrument auxiliaire de cette acculturation à des valeurs éternelles. Des ouvrages qui – en somme – reproduisent le dessein nominaliste, didactique et normalisateur du modèle des Académiciens. Mais qui anticipent aussi sur une conception componentielle de la lexicologie et de la sémantique, laquelle postule la possibilité d'analyser la signification en la décomposant en éléments constitutifs primitifs à travers la permanence de certaines collocations définissant les compatibilités syntagmatiques de chaque élément lexical. Et, à cet égard, il est intéressant de voir comment, au moyen des mêmes images anatomiques que Laveaux employait précédemment, Charles Nodier, partant cependant du constat opposé d'un manque, parvient à récupérer l'idée de l'inutilité d'un dictionnaire fondé sur des exemples littéraires au nom d'une une démonstration de l'absurde des efforts de Sisyphe:

La seconde conception, tout à l'inverse, découvre les ivresses de la plongée dans l'histoire et de l'apnée admirative face aux beautés des textes choisis, ou de la stupeur commotionnante devant des alliances syntaxiques et des effets de sens oubliés. Le dictionnaire recourt alors aux documents de la littérature pour exemplifier des valeurs et des effets devenus progressivement étrangers aux compétences contemporaines. Cette seconde attitude, qui met l'accent sur la cohésion et la dynamique expressive des exemples littéraires – même fragmentés – anticipe quant à elle sur une conception discursive du sens, qui place ce dernier au coeur d'un processus d'interactions complexes faisant l'hypothèse de son analyticité sous réserve de définir le contexte cognitif et logique pertinent à l'intérieur duquel se réalise la catalyse de la signification. Laveaux, une nouvelle fois, a beau jeu de condamner le parti pris par l'Académie: Lorsque, dans Le Chien à la Mandoline, Raymond Queneau parlait de ces ossuaires [16] que sont les Alphadécédets dictionnairiques, il peut être envisagé ici que son ironie – sans en avoir clairement conscience – renvoyait dos à dos ces deux conceptions de la lexicographie que la place et la nature des exemples permettent de définir au XIXe siècle, et qui anticipaient doublement en quelque sorte, d'une part, sur l'opposition structuraliste de l'histoire au système, et, d'autre part, sur celle d'une sémantique du mot figé dans les collocations d'un énoncé à celle d'une sémantique du mot intégré à la dynamique énonciative.

Si, autour du travail des académiciens lexicographes, la nature de cette double opposition a toujours semblé cruciale – voire crucifiante – il est aussi permis de penser que la raison principale de cette situation est alors une insuffisante définition des objectifs de la lexicographie, comme science naissante des dictionnaires, dans l'instant où ne cessent pourtant de se développer et de s'affiner les théories du langage et de la langue, ainsi que la masse de documents littéraires chéris des philologues. C'est cet ensemble d'informations sur le lexique et ses emplois, sur des usages ordonnés par une idéologie sociale normalisatrice et nationale, qui, sous le regard critique du linguiste et dans les colonnes du dictionnaire, transforme alors les idées reçues – esthétiques, éthiques et lexicologiques – en usage – bel et bon – objet de connaissance. Et qui permet alors les premiers pas d'une réflexion métalexicographique. Mais ceci est une autre histoire...


Bibliographie rétrospective et sélective

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Notes

1. P. Larthomas, "Féraud juge de Voltaire", in Autour de Féraud, La Lexicographie en france de 1762 à 1835, Collection de l'École Normale Supérieure de Jeunes Filles, nø 29, Paris, 1986, pp. 245-252.

2. Danièle Bouverot a bien montré naguère quelques implications de ce problème dans les remarques piquantes que J.-F. Daniel, grammairien provincial, rédigea dès 1837 sur la sixième édition du Dictionnaire de l'Académie. Voir: "Le Dictionnaire de l'Académie de 1835 vu en 1837 par un Bas-Breton: Leçons de Français à l'usage de l'Académie française par Jacques François Daniel", in J.-Ph. Saint-Gérand éd., Mutations et Sclérose: la langue française 1789-1848, Franz Steiner Verlag, Stuttgart, 1993, pp. 57-76.

3. B. Quemada, Les Dictionnaires du Français Moderne 1539-1863, Paris, Didier, 1968, p. 505.

4. Ch.P. Girault-Duvivier, Grammaire des Grammaires, ou Analyse Raisonnée des Meilleurs Traités sur la Langue Française, par Ch.P. Girault-Duvivier, 9e éd., 3e tirage, Paris, Cotelle, 1840, p. VI-VII. Dans "L'Acclimatation du mot "Phrase" dans le métalangage des grammairiens: l'exemple de Ch.P. Girault-Duvivier", J.-P. Seguin n'a d'ailleurs pas de mots assez sévères pour condamner cette dérive du sens grammatical: "Désinvolture de la compilation et disparate terminologique se confirment. [...] hésitations non maîtrisées autour de phrase, période et proposition [...] contradictions nettement perceptibles dans la banalité d'un discours grammatical dont nous comprenons mieux qu'il nous ait légué l'impoossible concept de phrase qui est le nôtre [...] exercice scholastique dont les bases terminologiques sont ouvertement hétéroclites" [pp. 104-106].

5. B. Quemada, "La tradition lexicographique avant et autour de Littré", in Actes du Colloque Émile Littré, Paris, 7-9 octobre 1981, Gallimard, 1983, pp. 335-356.

6. Jean-Pierre Seguin, "Lexicographie et Conformisme en 1798", La Licorne, Publication de la Faculté des Lettres et des Langues de l'Université de Poitiers, 1978, nø 2, p. 103.

7. Sur cette question, je me permets de renvoyer à ma contribution aux Mélanges offerts en hommage à la mémoire de Maurice Leroy, "La Critical Inquiry into the Scottish Language de Francisque Michel: Histoire, Philologie et Fantaisie", in Florilegium Historiographiae Linguisticae, p.p. Jan de Clercq & Piet Desmet, Peeters, 1994, pp. 321-347.

8. Jean Stéfanini avait bien étudié ce phénomène dans un article récemment repris en volume; cf. "Une histoire de la langue française en 1812", où il est question de l'ouvrage de Gabriel Henry, in Histoire de la Grammaire, textes réunis par V. Xatard, préface de S. Auroux, CNRS Éditions, 1994, pp. 215-224.

9. C'est effectivement l'époque où Nodier rédige ses Notions élémentaires de Linguistique, ou Histoire abrégée de la parole et de l'écriture, pour servir d'introduction à l'alphabet, à la grammaire et au dictionnaire, Paris, Renduel, 1834.

10. Dictionnaire historique de la langue française, comprenant l'origine, les formes diverses, les acceptions successives des mots, avec un choix d'exemples tirés des écrivains autorisés, Paris, Firmin Didot, 1865-1894. Il faudrait ici s'entendre sur le sens de l'épithète "autorisés", et notamment de l'angle sous lequel cette reconnaissance est conférée.

11. Procès verbaux des Séances de l'Académie, année 1834, Archives de l'Académie française, Institut de France.

12. Jules Vallès, Le Bachelier, éd. Livre de Poche, 1973, p. 168.

13. Dans Semantic Theories in Europe, 1830-1930, Benjamins, Amsterdam, 1992, Brigitte Nerlich rappelle que la première occurrence de ce terme apparaît d'abord dans une lettre à Angelo de Gubernatis, puis dans le célèbre article de l'Annuaire pour l'encouragement des études grecques en France, "Les lois intellectuelles du langage; Fragment de sémantique", 1883, 27, pp. 132-142. Une prémonition de la définition du concept apparaît en 1840 dans l'article de Paul Ackermann, l'auxiliaire de Charles Nodier, "Examen de quelques faits relatifs à la formation et à la culture de la langue française", in Journal de la langue française et des langues en général, 3e série, 1840, pp. 105-130, dans lequel il distingue entre les idées et le mots qui leur servent d'expression [p. 108].

14. Voir H.E. Brekle, "J.Ch. Thiébault de Laveaux [1749-1827], A Jacobin Grammarian and Lexicographer", in Diversions of Galway, Papers on the History of Linguistics, p.p. Anders Ahlqvist, John Benjamins Publishing Company, 1992, p. 53.

15. Les deux derniers fragments de citation sont empruntés à un exemplaire de ces ouvrages, celui publié en 1844, chez Firmin Didot, par Ch. Nodier – encore lui! – et M. Ackermann, dont la page de garde dit qu'il a été "Rédigé exclusivement pour les Écoles et adopté par le Conseil de l'Instruction Publique pour l'usage des Collèges"...

16. Raymond Queneau, Le Chien à la Mandoline, Gallimard, 1961: