a) les formes maçon (12) / masson (12) / maçons (12) / massons (3) / maçonnerie (8) / massonnerie (16)
Les données du Thresor ont été comparées à celles de deux ensembles de dictionnaires. D'une part, elles n'ont été retenues que si elles complétaient ou corrigeaient le Godefroy (G), le Huguet (H), le Wartburg (FEW) et les dix premiers tomes du Trésor de la langue française (TLF); a été notée également leur présence éventuelle dans le Dictionarie (1611) de Cotgrave (C). Cette consultation a relevé quelques cas caractéristiques des déficiences de ces précieux outils de travail. Par exemple, le FEW entérine une fausse analyse faite par Cotgrave (voir traversant ci-dessous). Tandis que Godefroy signale l'existence dans le Thresor s.v. Menuisier de fringoteries, le FEW se contente de dire que le mot est dans le Nicot. Les définitions (interprétations) proférées par les dictionnaires sont souvent inadéquates en l'absence d'exemples d'emploi clairs (voir, par exemple, la définition inexacte que donne le FEW pour maison plate, la différence d'interprétation de pelle/pele, l'ambiguïté du Huguet à propos de bequillon, fantasie); d'autre part, les équivalents du Cotgrave peuvent, lorsqu'ils ne sont pas des paraphrases, être ambigus (voir debout). Le FEW reste pourtant un point de répère indispensable; l'on regrette les beaux développements historiques et étymologiques de la jeunesse du TLF.
D'autre part, quelques-unes des séquences du Thresor se retrouvent dans le Dictionaire françois-latin, d'où elles proviennent. La filiation des dictionnaires Estienne-Nicot est la suivante: [3]
Si la concordance du Thresor a été le principal point de départ de l'enquête, un autre en a été fourni par le Dictionarium latino-gallicum de 1552. [5] Ce volumineux ouvrage à courts items bilingues contient trois alinéas dans lesquels le texte français occupe plus de six lignes: ceux-ci se trouvent s.v. Exceptio (22 lignes de texte français), Chelonia (22) et Hypomochlium (8). Les deux derniers sont tirés de la traduction française, parue en 1547, du De Architectura de Vitruve. [6] L'article CHELONIA, reproduit in toto ci-dessous, a ajouté plusieurs mots à la liste de datations; l'existence de ces mots a été ensuite vérifiée dans le texte de Martin. [7]
Chelonia, cheloniorum, n. g. Vitruuius. Les ammaires, auches, ou boites, dedens lesquelles entrent les deux bouts du moulinet d'un engin nommé une Chevre: lequel engin est faict de trois longues pieces de bois debout, joinctes et assemblees au hault par cheville et cordage, s'eslargissants par bas en triangle: et sert ledict engin a lever en hault grosses pierres, moyennant les moufles, poulies, chable, et louve de fer qui y sont. Lesdictes ammaires ou auches ou boites sont appellees Chelonia, pource qu'elles sont faictes a la facon et semblance d'une Tortue. Et le susdict molinet traversé de barres ou leviers par les bouts, et autour duquel le chable s'entortille quand on le tourne, est autrement appellé Fuzee, en Latin Sucula, qui signifie Truyette, pource qu'il est plus gros par le milieu que par les extremitez, comme lon veoit que sont ordinairement les Truyes. La moufle est appellee Trochlea, ou Rechamus. Les poulies, Orbiculi. Les goujons ou chevilles qui traversent lesdictes poulies, Axiculi. Le chable, Funis ductarius, c'est a dire corde conductrice de toute la besongne. Les leviers ou barres du molinet, Vectes. La louve de fer, dont les dents entrent dedens les creusures des pierres faictes en bizeau, Forfices ferrei. La cheville qui joinct et serre les trois pieces de bois par le bout d'enhault, Fibula. Si ledict engin nommé Chevre, ha trois poulies en sa moufle, il est des Grecs appellé Trispastos. Mais s'il en ha deux au bout d'embas contre trois amont, il est nommé Pentaspastos. |
Le nom de Vitruve est cité dans le Thresor aux articles ACROTERES, AIRE, ALIGNÉ, ARC (via Budé), ARESTE, BARRIERE, BASTARD (Budé), CANON, CHACE (Budé), CHARPENTERIE (Budé), CHAUSSÉE (Budé), CHEVRON, CONTREFORT, CORRESPONDANCE, CROYE (Budé), CYMAISES, DOULCINE, DOUR, ENCRE, ENTREDEUX, EOLIPILE, ESMAILLEUR, FRIZE, HOSTEL (Budé), MAISON (Budé), METOPE, METTRE (Budé), PARER, PILIER (Budé), POULTRE (Budé), QUARREAU (Budé), RETRAICTE (Budé), SALLE (Budé), SALPESTRE (Budé), SEVERONDE, SOMMIER, SOUSTENIR (Budé), TRINGLE, VERD et VIROLE. Les autres sources (auteurs et écrits) nommées dans le Thresor à propos du vocabulaire du bâtiment sont les suivantes: Budé (ARCHE, AUGIVE, CHABLE, HALE, JAMBE, LARMIER, LICT, PIÉ, REZ, VIGNETTES); Budé citant Quintilien (COLLER), citant Vitruve (v. ci-dessus); César (HERCE); Cicéron (EDIFICE, LIGNE); Claudien (CRESPIR); Columelle (CRESPIR); Coustumes de Paris (DOSSERASSE, ESTAGE, MOITOYEN, PARPAIGNE, REZ); Feste (TRAVÉE); Gilles (PORTAIL); Hermolaus Barbarus (CRENEAUX); Hésiode (DOUR); Homère (DOUR); Lampride (HALE, PLACE); Loy salique (MARREIN); Monstrelet (BAFFROY, MUEL); Paule Jurisconsulte (LIGNE); Pline (BRIQUERIE, CRENEAUX, CRESPIR, DOUR, DURILLON, ENTREBAAILLER, PLANCHE, TUILERIE); Pollux (DOUR); Quintilien via Budé (COLLER); Thomas Magister (ESTAGE); Tite-Live (ESTAGE, TRAVÉE); Valère (CRESPIR); Varron (SEVERONDE); Virgile (COMBLE). On y trouve également les délimitations régionales suivantes: aucunes contrées de France (TRAVÉE), Dauphiné (CHAPUIS, PLANE), gens de village (BACLER, TRAVÉE), Languedoc (BACLER, HALE, PAROY), Lyonnais (CHAPUIS).
Il est intéressant d'observer le sort de certains mots ou séquences qui se modifient d'une édition à l'autre du corpus Vitruve-Estienne-Nicot: par exemple, bizeau/biseau, blanchissage/blanchissure, debout/de bout, endentant/adentant, entorteiller/entortiller, moulinet/molinet, pelle/pele, pile/pilet, rodelle/rondelle, siage/sciage, traversans/traversants, traversans/ais de travers (voir ci-après).
[Suite]
Notes
1. L'outil nous permettant de faire cette investigation est une concordance du Thresor: T.R. Wooldridge, Concordance du Thresor de la langue françoyse de Jean Nicot (1606): matériaux lexicaux, lexicographiques et méthodologiques, Toronto, Éditions Paratexte, 1985 (collection « Trésor des dictionnaires français » de l'INaLF-CNRS). Les travaux de confection de la concordance ont été subventionnés en partie par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada et l'Institut national de la langue française. [Nota, août 1998: une base interactive du Thresor peut être interrog�e sur Internet depuis le projet ARTFL; cf. aussi le site Nicot.]
2. O. Bloch, « Étude sur le Dictionnaire de J. Nicot
(1606) », in Mélanges de philologie offerts à F.
Brunot, Paris, Société Nouvelle de Librairie et
d'Édition, 1904, pp. 1-13.
3. Voir T.R. Wooldridge, Les Débuts de la lexicographie
française: Estienne, Nicot et le Thresor de la langue
françoyse (1606), 1ère �d., University of Toronto Press, 1977 (2e �d., EDICTA, 1997); id.,
« Pour une exploration du français des dictionnaires
d'Estienne et de Nicot (1531-1628) », in Le français
moderne, XLVI, 3 (juillet 1978).
4. Dans les datations, ces intitulés sont abrégés comme
suit: Thes (Thesaurus), DLG (Dictionarium
latino-gallicum), DFL (Dictionaire françois-latin),
Thresor, DFL-T (DFL et Thresor), GDFL (Grand dictionnaire
françois-latin). Des références de
page-colonne-ligne sont données pour les occurrences du
Thresor (par ex., 573.241: page 573, colonne 2, ligne 41). Les
références à l'article CHELONIA de DLG 1552
indiquent le numéro de ligne. Lorsqu'une même occurrence se
retrouve dans plusieurs éditions du corpus Estienne-Nicot et que le
Thresor la donne, c'est le texte de celui-ci qui est cité;
dans le cas contraire, c'est la première édition de la
série qui est citée. L'italique est celui du texte
cité.
5. Une concordance de DLG 1552 est en préparation. [Nota, août 1998: une base interactive de DLG 1552 sera mise sur Internet au centre ARTFL � l'automne 1998.]
6. Architecture ou Art de bien bastir, de Marc Vitruve Pollion autheur
Romain antique: mis de Latin en Francoys, par Jan Martin [...] et
enrichye de figures nouvelles concernantes l'art de massonnerie, par maistre
Jehan Goujon, Paris, chez J. Gazeau, 1547 (exemplaire consulté
au Centre for Reformation and Renaissance Studies, Victoria College,
Université de Toronto). DFL 1549 avait déjà
exploité cet ouvrage, sans toujours citer sa source; par exemple,
l'équivalent de l'article HYPOMOCHLIUM y est donné s.v.
Orgueil. Il s'agit, dans les deux cas, d'un emprunt à l'article
HIPOMOCLION du glossaire donné à la fin de l'ouvrage
de Martin. [Nota, août 1998: cf. le site Vitruve.]