Les 8 femmes et les 20 hommes dont les réponses ont été retenues ont découvert l’internet relativement tôt: entre 1989 et 1998, dont 22 entre 1989 et 1995. De même, leur implication personnelle date d’avant 1997 pour 20 d’entre eux 2. L’éventail des statuts est large, tout en restant typique du monde de la recherche 3: quatre chercheurs CNRS (dont 2 directeurs de recherche), cinq professeurs d’université, sept maîtres de conférences, deux doctorants, trois professeurs agrégés détachés dans le supérieur et deux en classes préparatoires, auxquels s’ajoutent un médecin attaché hospitalier, trois ingénieurs d’études ou de recherche et un haut-fonctionnaire de l’Éducation nationale. Il est à noter que deux personnes de cet échantillon travaillent au Canada et ont des relations professionnelles avec quelques chercheurs français interrogés dans le cadre de l’enquête. Le risque de solliciter un réseau spécifique a été soigneusement évité: les 28 personnes retenues au final se décomposent en 16 sous-groupes d’interconnaissance disjoints 4, le plus important étant composé de cinq personnes (qui ne travaillent pas dans les mêmes secteurs de recherche et n’ont pas la même tutelle). Cet éclatement du réseau résulte de la volonté de voir représentées un grand nombre de disciplines des sciences humaines: l’archéologie (une personne) et les lettres classiques (deux personnes), la philosophie (deux personnes), les sciences politiques (deux personnes), la géographie (quatre personnes), l’histoire (autant), la littérature (deux personnes), la sociologie, l’économie, la communication, la médecine et la linguistique (une personne à chaque fois), auxquelles s’ajoutent trois « divers » (ingénieurs, etc.) et autant de spécialistes des bibliothèques et de l’édition. Bien sûr, ces profils ne sauraient témoigner de spécificités disciplinaires: le but de l’enquête consiste au contraire à mettre en évidence des situations homogènes au-delà des disciplines, tout en donnant la parole à des représentants de cultures différentes. Représentants, et non-représentatifs, puisque ces personnes, chacune à sa manière, se distinguent grandement de la moyenne de leurs collègues dans leur pratique de l’internet.
La majorité des Français travaillent à Paris ou en région parisienne 5 (21 personnes): 5 personnes sont fixées dans diverses villes de province.
La plupart des enquêtés (18 personnes) se sont impliqués dans la réalisation de sites web hautement spécialisés. Quatre d’entre eux ont même fondé une revue savante électronique. Ce travail de production éditoriale se double souvent de participations intensives à des forums (voire à leur mise en place); parmi les personnes qui ne sont pas précisément impliquées dans un site web opérationnel, cinq ont publié (dans des revues ou rapports, électroniques ou imprimés) des analyses sur le contenu du web dans leur discipline, sur les recherches qu’il permet, sur ce qu’on peut en attendre: leur expertise est reconnue. Les cinq autres sont des « consommateurs éclairés »: deux d’entre elles n’ont pas finalisé leur projet, une se sert surtout de l’internet comme support documentaire pour son enseignement et ses recherches, et enfin, deux n’ont pas trouvé le temps de dépasser le stade de la consultation (sur le web ou sur des forums), malgré leur désir. Leur témoignage n’en est pas moins intéressant, mettant lui-aussi en évidence l’état de l’art dans leur discipline relativement au web, et l’état d’esprit de leurs collègues.
On peut imaginer qu’au vu du statut professionnel de la majorité des répondants, ceux-ci ne soient pas si jeunes: si deux personnes ont entre 25 et 30 ans, la majorité se déploie entre 35 et 55 ans 6, avec une exception pour une chercheuse qui a plus de 60 ans. Cette remarque contredit les discours prétendant que seuls les « jeunes » s’investissent dans les techniques contemporaines: l’organisation de revues savantes, la publication de textes érudits, de listes exhaustives de pointeurs, ou la participation à des forums professionnels impliquent une culture approfondie du champ sur lequel on s’exprime et une exigence scientifique qui nécessitent un minimum de maturité, intellectuelle comme biologique.