Journée d'étude Dagognet, la carte et le monde
Lundi 3 octobre 2016
9h30-18h
Enssib
Sommaire
1 Introduction: 9h30-10h15
2 Cartes, matière et résidus: 10h15-12h30
3 Corps, surfaces, villes et numérique: 14h-17h
4 Table ronde: 17h-17h45
L'Enssib organise le lundi 3 octobre 2016 dans son amphithéâtre une journée d'étude en hommage à François Dagognet, philosophe de la technique décédé exactement un an plus tôt.
Entrée libre sur inscription: formulaire en ligne
François Dagognet était un penseur rationaliste qui se définissait parfois comme objectologue. À l'origine d'une école lyonnaise d'épistémologie, il a eu une pensée prolixe et originale qui s'avère fort actuelle à l'heure du numérique.
Argument
Si l'on prend le mot carte au sens large (englobant toute entreprise de représentation ayant le caractère d'un résumé-concentration plus ou moins formel), on remarque que cet objet a été central dans l'oeuvre de François Dagognet. Il a constamment étudié les tableaux (classifications chimiques, botaniques, zoologiques...), les mouvements (Marey), la symptomatologie et les tableaux cliniques de la sémiologie médicale, la construction d'images instantanées ou durables, de photographies ou de photogrammes: du cerveau, de l'intérieur du corps, mais aussi du corps social et des comportements (politiques, religieux...) de ses membres (statistiques, sondages), etc. Cette journée d'étude privilégiera une telle approche cartographique, qui sera mise en correspondance avec les travaux d'autres spécialistes de la technique et avec les recherches de philosophes juniors comme seniors sur des thèmes connexes (écriture du monde, internet, numérique, technique et culture, industrie, médecine, etc.).Conseil scientifique
Jean-Claude Beaune (Université Lyon-3), Mohamad Salhab (Université Libano-Française), Daniel Parrochia (Université Lyon-3).Organisation
Chaque conférence dure 30 à 45 mn, débats inclus.Une ou deux pauses de 15 mn pourront se tenir si les participants en expriment le désir. Entrée libre sur inscription: formulaire en ligne
1 Introduction: 9h30-10h15
- Yves Alix,
directeur de l'Enssib
François Dagognet et la philosophie de la technique à l'Enssib - Éric Guichard, maître de conférences HDR à l'Enssib, responsable de l'équipe Réseaux, Savoirs & Territoires de l'Ens-Ulm.
Pour une philosophie politique du numérique
Résumé Notre enchantement vis-à-vis des techniques numériques (ordinateurs, téléphones, plates formes d'intermédiation) conjoint à notre déception face aux pratiques économiques et politiques de leurs fondateurs ou propriétaires renvoie à un paradoxe que François Dagognet détaille dans L'invention de notre monde: l'industrie, pourquoi et comment?
En explorant les liens actuels entre culture numérique, technique et industrie, je proposerai quelques jalons pour une philosophie politique de l'internet qui soit critique et efficace aux plans rationnel et collectif.
2 Cartes, matière et résidus: 10h15-12h30
-
Daniel Parrochia, écrivain, professeur émérite de philosophie à l'université Lyon-3.
Un étrange cartographe: images et langage chez François Dagognet
Résumé François Dagognet, dès ses premiers textes, n'a cessé de célébrer les tableaux, les schémas, les croquis, les graphes, les cartes, au point qu'on aurait pu croire que sa philosophie, cette pensée qui exaltait si fortement les formes, les iconographies et leurs condensés algébriques, approuvait sans aucune réserve les méthodes que la science positive avait mises en place pour décrire le monde. Les textes ultérieurs de Dagognet, qui défendront davantage le langage traditionnel (la langue naturelle ), l'écriture, voire le dialogue avec soi-même, feront déchanter. Ils semblent, à bien des égards, totalement antinomiques avec les premiers. Comment expliquer cette évolution? C'est le problème que nous nous efforcerons de résoudre. - Cyrille Harpet,
enseignant-chercheur à l'École des hautes études en santé publique de Rennes, chercheur à l'UMR-6051-CRAPE-ARENE.
Traces, signes et résidus: les sens de l'archive chez Dagognet
Résumé A partir de quelques travaux et ouvrages de Dagognet, il ressort assez nettement une passion des formes de mémorisation, telles que diverses empreintes matérielles, signatures des éléments chimiques, physiques ou biologiques, inscriptions et autres traces. Dagognet éprouve la passion de la trace, tel un Etienne-Jules Marey, qui sonde, capte et fixe les signes laissés par les êtres et les choses. L'archive pour le matériologue et matérialiste qu'est Dagognet est à prendre au sens des traces et inscriptions véhiculant les signes d'une mémoire pour l'avenir.
Jean-Claude Beaune,
professeur émérite de philosophie à l'université Lyon-3.
- Que veut dire «rematérialiser», dont il a fait un de ses titres d'ouvrage?
- La chose qui se veut objet est-elle justiciable d'un classement?
- Est-elle compatible avec l'innovation, la nouveauté, l'artifice?
- En conclusion, comment, jusqu'où peut-on lui attribuer sans trop forcer le sens, le terme de «matérialiste»?
François Dagognet: l'objectologue et le matériologue
Résumé Dagognet revendique le premier terme et ne refuse pas le second. Les objets qu'il étudie sont à lui, souvent il est allé les chercher au fond d'une bibliothèque, parfois avec leur inventeur peu connu. Mais ce n'est pas du bricolage: Dagognet est un encyclopédiste à sa manière, un classificateur zélé pour qui un Ordre règne au fond des choses.
D'où quelques questions:
Nous tenterons d'effleurer ces immenses questions qui concernent aussi ses conceptions de la maîtrise du vivant, du langage de la peau, du rapport au travail...
Repas: 12h30-14h
3 Corps, surfaces, villes et numérique: 14h-17h
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Odile Nguyen-Schoendorff, écrivain, agrégée de philosophie, ancienne professeur de lycée et chargée d'enseignement à l'Université Jean-Moulin (Lyon-3).
Le retour du corps
Résumé Tous les savants sont spontanément matérialistes, écrit Gaston Bachelard. En revanche, il faut bien reconnaître que la philosophie est dominée par l'idéalisme.
C'est contre cette tradition idéaliste que s'inscrit François Dagognet, se proclamant matériologue, voire objectologue. Après des siècles de spiritualisme triomphant, il est temps pour notre épistémologue de proclamer le retour du corps.
Joignant les compétences du scientifique (médecin, neurologue, psychiatre, curieux de toutes les sciences, notamment de la chimie - moins des mathématiques) à celles du philosophe (agrégé de philosophie, professeur de faculté, président du jury d'agrégation), Dagognet n'a cessé, au cours d'un itinéraire chatoyant et polymorphe, dont la cohérence a échappé aux lecteurs bornés l'accusant d'éclectisme, d'oeuvrer à la réhabilitation de ce mal-aimé: notre corps, sans lequel tout le reste n'est que chimère.
Il nous faut retrouver notre corps, et les corps qui l'entourent et dont il se nourrit, s'abreuve et s'enchante: de la biologie à l'art, en passant par tous les domaines de l'expérience humaine. Si nous voulons comprendre le monde, et embellir la vie, notre vie, il est urgent de rematérialiser. - Jean-Félix Gross, doctorant en philosophie à Lyon-3, Ater à la faculté de médecine de Lyon-Est dans le service commun des sciences humaines et sociales.
L'effet placebo: une épistémologie du corps pharmacologique
Résumé François Dagognet, dans les premières pages de La raison et les remèdes met le lecteur face à un problème : on croit savoir mesurer l'effet d'un principe actif du médicament, mais en réalité, on ne le sait pas. Pour nous en convaincre, Dagognet nous présente une équation a=x−y , qu'il nomme l'impossible soustraction. A travers cet exemple désormais bien connu nous tenterons de nous immiscer dans les liens que Dagognet avait tissés avec les remèdes et les médicaments afin de voir ce qu'ils peuvent nous apporter aujourd'hui. -
Coline Ferrarato, étudiante en philosophie de la technique et en épistémologie du numérique à l'Ens-Ulm et à l'Ehess.
Analyser le numérique grâce à François Dagognet et Andrew Feenberg
- Gérard Chazal, professeur honoraire d'histoire et philosophie des sciences, Université de Bourgogne,
http://gerard-chazal.pagesperso-orange.fr.
La ville objet technique et philosophique sous le regard de François Dagognet
Résumé Si François Dagognet n'a pas spécifiquement consacré un ouvrage à une étude de la ville, celle-ci est toutefois présente à maintes reprises dans l'oeuvre. Dans un entretien de 2013 (Philosophie Magazine) il déclare que Le lieu du philosophe, à mon sens, c'est la ville . Alors que beaucoup de philosophes redoutent la ville et ses multiplicités, lui préférant la solitude propice à la méditation, François Dagognet en exalte les richesses, voire le tohu-bohu. On montrera comment pour lui elle est un objet philosophique, et même poétique, par son organisation, par ses fonctions, par son histoire. Comme objet philosophique, elle est la marque d'une philosophie tournée vers le monde, vers la plénitude du réel selon son expression, plus que vers les profondeurs du sujet.